Aranei-Orbis


La Loire et Joachim du Bellay

(The River Loire and Joachin du Bellay)



Bellay (Joachim du) (1522-1560)

 

« Plus mon Loire gaulois que le Tibre latin… »

 

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestui-là, qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas ! de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux
Que des palais romains le front audacieux ;
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine,

Plus mon Loire gaulois que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la douceur angevine.

Regrets, XXXI.


 « Deja la nuit en son parc… »

 

Déjà la ni-uit en son parc amassoit
Un grand troupeau d'etoiles vagabondes,
Et pour entrer aux cavernes profondes,
Fuyant le jour, ses noirs chevaulx chassoit.

Deja le ciel aux Indes rougissait,
Et l'aulbe encor de ses tresses tant blondes,
Faisant gresler mille perlettes rondes,
De ses thesors les prez enrichissoit :

Quand d'occident, comme une étoile vive,
Je vy sortir dessus ta verde rive,
O fleuve mien ! une Nymphe en rient.

Alors voyant cete nouvelle Aurore,
Le jour honteux d'un double teint colore
Et l'Angevin et l'Indique orient.

L'Olive

Notes

O fleuve mien est un apostrophe de la Loire.