Le poète, le peintre
bien évidemment sont des créateurs d'images. Les images des
meilleurs d'entre eux parlent aux spectateurs. Quelle charge émotionnelle
portent-elles ? Sommes-nous prêts à les recevoir ?
Écoutons, quelques instants, Van Gogh et
Gaston Bachelard [29]:
«Van Gogh qui a peint beaucoup de nids et beaucoup de chaumières
écrit à son frère : "La chaumière au toit de
roseaux m'a fait penser au nid d'un roitelet". N'y a-t-il pas pour l'oeil
du peintre un redoublement d'intérêt si, peignant un nid,
il rêve à la chaumière, si peignant une chaumière,
il rêve à un nid. L'image la plus simple se double, elle est
elle-même et autre chose qu'elle-même.»
Dans cet instant où une image est elle-même
et autre chose qu'elle-même, elle acquiert une valeur, une charge
affective susceptible de toucher le spectateur. Par là, la photographie
d'art se différencie de la photo souvenir. Le portrait acquiert
toute sa signification quand le caractère du sujet s'échappe
de la toile ou de l'épreuve photographique.
«Les chaumières
de Van Gogh sont surchargées de chaume. Une paille épaisse,
grossièrement tressée souligne la volonté d'abriter
en débordant des murs. De toutes vertus d'abri, le toit est ici
le témoin dominant. Sous la couverture
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du toit les murs
sont de terre maçonnée. Les ouvertures sont basses. La chaumière
est posée sur la terre comme un nid sur le champ» : un nid
de roitelet en forme de boule, avec son ouverture en dessous, qui protège
de la pluie.
Gaston Bachelard ajoute : «En vivant en sa
liaison manifeste la chaumière-nid de Van Gogh, soudain en moi les
mots plaisantent. Il me plaît de redire que c'est un petit roi qui
habite la chaumière. Voilà bien une image-conte, une image
qui suggère des histoires.»
Les images des chaumières de Van Gogh sont
bien plus que des images de chaumières. Elles réveillent
en nous ce besoin archaïque de protection du primate resté
gravé dans notre subconscient, celui que ressent l'oiseau qui fait
son nid, celui de l'enfant qui maladroitement trace sur la feuille de papier
le toit familial. Son geste matérialisation instinctive de son rêve
inconscient renforce le nid par la fumée qui s'échappe de
la cheminée et évoque la chaleur du foyer, en français,
même mot, à la fois âtre et maison, tel l'igloo si fascinant.
© 1998 - Le Grimaud
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