Logo Aranei-Orbis

La Boule de Fort

(Bowls of Fort)

Les jeux et sports utilisant une forme sphérique bille, balle, ballon, boule sont légions. Quelques uns se démarquent. Il est un jeu de boule, pratiqué en terre angevine et saumuroise, qui est aux jeux de boules lyonnaises, à la pétanque ce que le rugby est au football.

Si le ballon de rugby est ovale, la boule de Fort n'est pas une sphère. Imaginez une sorte de roue, ayant certes de l'embonpoint. En bois de cormier, cerclée de fer, une face est évidée en son centre l'autre est plombée. Ainsi constituée, elle pèse un kilogramme et de même que le ballon de rugby a des rebonds fantasques, la boule de Fort ne suit pas la ligne droite, même sur un terrain parfaitement plan et horizontal. Sa trajectoire s'incurve du côté plombé ou fort.. En fin de course, elle se couche généralement sur le fort. Pour tout compliquer, le jeu se pratique sur une aire en forme de caniveau très large relevé de chaque côté.


Cliché d'André-Paul Bruckert

La fabication demandait une très grande minutie. Aujourd'hui, les pistes sont recouvertes de plastique. On ne connaît pas comment naquit cette boule curieuse ; à moins que la légende de Saint-Fort…Mais voici une autre origine. Enfin une étude historique sur Saint Fort.

Le jeu consiste donc à utiliser ces côtés relevés un peu à la manière des bandes d'un billard pour ramener la boule vers le centre et pour domestiquer la trajectoire naturellement courbe . Il faut en général deux bandes pour approcher le petit (ou cochonnet dans la pétanque).

Contrairement à la pétanque où le lancer est exécuté avec la main placée au-dessus de la boule en élevant le bras pour que la boule passe les premiers obstacles du sol inégal avec un mouvement de poignet donnant à la boule un mouvement de rotation rétrograde afin de la freiner lors de son arrivée au sol, le lancer de la boule de Fort se fait paume vers l'avant. Le lâcher donne la rotation initiale dans le sens de la trajectoire. La boule touche le sol parfaitement préparé et va décrire plusieurs courbes allant d'un côté et de l'autre de l'aire de jeu pour se rapprocher du petit. Les meilleurs joueurs se servent de ces trajectoires courbes, avec plusieurs changements de direction pour éviter les boules déjà jouées.

À ce jeu en plus de l'adresse, il faut une finesse, une capacité à intégrer tous les paramètres qui vont donner les nonchalantes trajectoires. On peut même imaginer que ce jeu implique ou est le résultat d'une conception de la vie où l'approche du but ne se fait pas directement mais par le choix approprié des manières de l'approcher et où il faut prendre le temps de faire les choses. Ici point d'embûches, de traquenards, de sols traitres qui cachent un cailloux, une racine affleurant en cachette qui feront dévier la boule de pétanque. La boule de fort ne commet pas de tels écarts brutaux, elle est fidèle. Elle évolue avec douceur. Dans les mains des joueurs les plus experts, elle ondoie, contourne avec lenteur, méthode, intelligence, majesté les autres boules formant obstacles sur l'aire de jeu et finalement sa tâche accomplie, elle se couche. Elle décrit des trajectoires nonchalamment sinueuses, modélées sur le cours du fleuve auprès du quel ce jeu c'est exclusivement développé. À ce peuple accomodant décrit par Henri Guerlin et cette boule de Fort, la Loire n'a-t-elle pas insufflé certains traits de son caractère ?

Jean-Claude Raymond

(Je recommande la lecture de La Boule de Fort et sa pratique).


© Copyright Aranei-Orbis - 1997-1999 - Toute reproduction, adaptation, traduction réservées.