2000-06-08
 
Aranei-Orbis 
La Femme, la Féminité
(Woman, Feminity)

Florilège poétique par Le Grimaud



 
Nous commençons à aimer une femme en déposant près d'elle notre âme partie par partie. Nous dédoublons notre personne et la femme aimée qui auparavant nous était neutre et indifférente commence à revêtir notre autre Moi, elle devient double.
 
 
Strinberg, Légende.
Nu au miroir
avec l'aimable autorisation du peintre Hassen Soufy ©

 
 
 
 
 
 

A Ninon
 
 

Si je vous le disais pourtant, que je vous aime,
Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?
L'amour, vous le savez, cause une peine extrême ;
C'est un mal sans pitié que vous plaignez vous-même ;
Peut-être cependant que vous m'en puniriez. 

Si je vous disais, que six mois de silence
Cachent de longs tourments et de voeux insensés :
Ninon, vous êtes fine, et votre insouciance
Se plaît comme une fée, à deviner d'avance ;
Vous me répondriez peut-être : Je le sais. 

Si je vous le disais qu'une douce folie
A fait de moi votre ombre et m'attache à vos pas :
Un petit air de doute et de mélancolie,
Vous le savez, Ninon, vous rend bien plus jolie ;
Peut-être diriez-vous que vous n'y croyez pas. 

Si je vous le disais, que j'emporte dans l'âme
Jusqu'aux moindres mots de nos propos du soir :
Un regard offensé, vous le savez, madame,
Change deux yeux d'azur en deux éclairs de flamme,
Vous me défendriez peut-être de vous voir. 

Si je vous le disais, que chaque nuit je veille,
Que chaque jour je pleure et je prie à genoux :
Ninon, quand vous riez, vous savez qu'une abeille
Prendrait pour une fleur votre bouche vermeille ;
Si je vous le disais, peut-être en ririez-vous. 

Mais vous n'en saurez rien. -- Je viens, sans rien en dire,
M'asseoir sous votre lampe et causer avec vous ;
Votre voix, je l'entends ; votre air je le respire ;
Et vous pouvez douter, deviner et sourire,
Vos yeux ne verront pas de quoi m'être moins doux. 

Je récolte en secret des fleurs mystérieuses :
Le soir, derrière vous, j'écoute au piano
Chanter sur le clavier vos mains harmonieuses,
Et, dans les tourbillons de nos valses joyeuses,
Je vous sens, dans mes bras, plier comme un roseau. 

La nuit, quand de si loin le monde nous sépare,
Quand je rentre chez moi pour tirer mes verrous,
De mille souvenirs en jaloux je m'empare ;
Et là, seul devant Dieu, plein d'une joie avare,
J'ouvre, comme un trésor, mon coeur plein de vous. 

J'aime, et je sais répondre avec indifférence ;
J'aime, et rien ne le dit ; j'aime, et seul je le sais,
Et mon secret m'est cher, et chère ma souffrance :
Et j'ai fait le serment d'aimer sans espérance
Mais non pas sans bonheur, -- je vous vois, c'est assez. 

Non, je n'étais pas né pour ce bonheur suprême
De mourir dans vos bras et de vivre à vos pieds.
Tout me le prouve, hélas ! jusqu'à ma douleur même ;
Je vous le disais, pourtant, que je vous aime,
Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez.
Alfred de Musset
 

Lettre à Éva (extrait)

Mais toi, ne veux-tu pas voyageuse indolente,
Rêver sur mon épaule, en y posant ton front ?
Viens du paisible seuil de la maison roulante
Voir ceux qui sont passés et ceux qui passeront.
Tous les tableaus humains qu'un Esprit pur apporte
S'animeront pour toi, quand devant notre porte
Les grands pays muets longuement s'étendront.


La Rêveuse
avec l'aimable autorisation du peintre Hassen Soufy ©

Nous marcherons ainsi, ne laissant que notre ombre
Sur cette terre ingrate où les morts ont passé ;
Nous nous parlerons d'eux à l'heure où tout est sombre
Où tu te plais à suivre un chemin effacé,
À rêver; appuyée aux branches incertaines,
Pleurant, comme Diane au bord de ses fontaines,
Ton amour taciturne et toujours menacé.
 

Vigny Les Destinées
extrait de La Maison du berger, Lettre à Éva

Merci à Fernande Germain qui m'a proposé d'inclure ces vers dans mon florilège.


 
 
 
La Femme et la Chatte






Elle jouait avec sa chatte, 
Et c'était merveille de voir 
La main blanche et la blanche patte 
S'ébattre dans l'ombre du soir. 

Elle cachait - la scélérate! - 
Sous ces mitaines de fil noir 
Ses meurtriers ongles d'agate, 
Coupants et clairs comme un rasoir. 

L'autre aussi faisait la sucrée 
Et rentrait sa griffe acérée, 
Mais le diable n'y perdait rien... 
Et dans le boudoir où, sonore, 
Tintait son rire aérien, 
Brillaient quatre points de phosphore. 
 

                                      Paul Verlaine 

 
 
 

Menuet







Marquise, vous souvenez-vous
Du menuet que nous dansâmes ?
Il était discret, noble et doux,
Comme l'accord de nos deux âmes. 

Aux bocages, le chalumeau
À ces notes pures et lentes ;
C'était un air du grand Rameau,
Un vieil air des Indes galantes.
 

Triomphante, vous surpreniez
Tous les coeurs et tous les hommages,
Dans votre robe à grands paniers,
Dans votre robe à grands ramages.

Vous leviez, de vos doigts gantés
Et selon la cadence douce,
Votre jupe des deux côtés
Prise entre l'index et le pouce.

Plus d'une belle, à Trianon,
Enviait, parmi vos émules,
Le manège exquis et mignon
De vos deux petits pieds à mules ;

Et, distraite par le bonheur
De leur causer cette souffrance,
À la reprise en la mineur,
Vous manquâtes la révérence.

François Coppée, Le Cahier rouge, 1874

 
 

 
Une allée du Luxembourg








Elle a passé, la jeune fille
Vive et preste comme un oiseau :
À la main une fleur qui brille,
À la bouche un refrain nouveau.

C'est peut-être la seule au monde
Dont le coeur au mien répondrait,
Qui venant dans ma nuit profonde
D'un seul regard l'éclaircirait !

Mais non, -- ma jeunesse est finie...
Adieu, doux rayon qui m'as lui, --
Parfum, jeune fille, harmonie ...
Le bonheur passait, --il a fui !

Gérard de Nerval
Odelettes

 
 


Rythmes








Rythmes des robes fascinantes,
    Qui vont traînantes,
Balayant les parfums au vent,
Ou qu'au-dessus des jupes blanches,
    Un pas en avant
Balance et gonfle autour des hanches !

Arbres bercés d'un souffle frais,
    Dans les forêts
Où ruisselant des palmes lisses,
Tombent des pleurs cristallisés,
    Dans les calices
Roses encor de longs baisers !

Soupir des mers impérissables,
    Qui sur le sable
Dans l'écume et dans les flots bleus
Traîne l'amas des coquillages ;
    Flux onduleux
Des lourdes lames vers les plages !

Air plaintif d'instruments en choeur
    Qui prend le coeur,
Et, traversant la symphonie,
Nais ou meurs, sonore ou noyé
    Dans l'harmonie,
Et reviens sourd ou déployé !

Hivers, Printemps, Étés, Automnes,
    Jours monotones ;
Souvenirs toujours rajeunis ;
Mêmes rêves à tire-d'ailes,
    Loin de leurs nids
Poursuivis de douleurs fidèles !

Désirs fous vous m'emplissez ;
    Vous me versez
La soif ardente des mirages,
Reflets d'un monde harmonieux !
    Et vos images
Se confondent devant mes yeux :

Rythmes lent des robes flottantes,
    Forêts chantantes,
Houle des mers, lointaines voix,
Airs obsédants des symphonies,
    Jours d'autrefois,
Ô vous, extases infinies !

Léon Dierx
Les Lèvres closes

 
 
La femme entière II

Sans savoir, elle parle au mistral, aux cigales
Elle dit au figuier qu'il a de belles mains
Pour changer d'air, elle ouvre son armoire plutôt que la fenêtre
Elle décroche la nuit, le téléphone, pour écouter la mer, quand elle ne dort pas
De son nez en trompette, elle flaire les camenberts et les crevettes
Lorsqu'il pleut, elle est nue sous son impernéable
Se libérant ainsi de toutes les étreintes
Elle a des plantes vertes. Elle en lave les feuilles avec de l'huile
Elle n'accomplit rien, qui puissse faire croire qu'elle a été, jadis, une petite fille, ou qu'elle sera vieille
Elle a toujours été entière et miroitante comme si des éclats de vent et de lumière la constituaient toute

Marc Piétri
Je me suis déjà vu quelque part, 1980

 
 
 

Beauté des femmes, leur faiblesse, et ces mains pâles
Qui font souvent le bien et peuvent tout le mal.
Et ces yeux, où plus rien ne reste d'animal
Que juste assez pour dire : «assez» aux fureurs mâles.
 

Paul Verlaine
Sagesse I, I

 
 
 
 

«La beauté d'une femme, c'est quoi ?»
«Ah...
«Je crois pas à la beauté géométrique...
«Je sais pas ? Cette beauté mystérieuse qu'est dans le regard...
«Cet espèce de charme...
«Qu'on ne peut pas analyser...
«Qu'on ne peut pas analyser...
«Comme ça : ah ! (Robert Doisneau émet un ah à la fois admiratif et qui coupe le souffle)
«L'âme -- Hein ? -- on a trouvé ce mot là.
«C'est bien commode, c'est un fourre-tout ; on met tout ça dedans et ça me convient bien.
«Ah, oui, qu'est-ce-que c'est beau des fois ! Hein ?
«Ce passage, ce visage qui est là. Mais je crois...
«La beauté froide, classique, je la laisse à d'autres. C'est très joli, débrouillez-vous avec, c'est votre affaire. C'est pas la mienne.
«Pour moi la...
«la Beauté...?
«la Tendresse...?
«quel autre mot ?»
 

Interview de Robert Doisneau (photographe) par Sabine Azéma, A2, le 13-04-1992.

 
 
Quelques liens vers des poèmes présentés dans des sites amis

Comme souvent le choix des poèmes fait par Josette Perlin dans son site Le coin du poète pourrait avoir été le mien. Je vous invite donc à lire À Mademoiselle de Coigny, poème écrit par André Chesnier. Vous y trouverez les circonstances dans lesquelles ce texte fut écrit.


Un lien vers un site ou Marie de France exprime sa féminité. deux moèmes retenu mon attention :
Dualité féminine et Être femme.
 


 
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Florilège poétique par Le Grimaud

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