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Nous commençons à aimer une femme en déposant
près d'elle notre âme partie par partie. Nous dédoublons
notre personne et la femme aimée qui auparavant nous était
neutre et indifférente commence à revêtir notre autre
Moi, elle devient double.
Strinberg, Légende.
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avec l'aimable autorisation du peintre Hassen
Soufy ©
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Si je vous le disais pourtant, que je vous aime, Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ? L'amour, vous le savez, cause une peine extrême ; C'est un mal sans pitié que vous plaignez vous-même ; Peut-être cependant que vous m'en puniriez. Si je vous disais, que six mois de silence Cachent de longs tourments et de voeux insensés : Ninon, vous êtes fine, et votre insouciance Se plaît comme une fée, à deviner d'avance ; Vous me répondriez peut-être : Je le sais. Si je vous le disais qu'une douce folie A fait de moi votre ombre et m'attache à vos pas : Un petit air de doute et de mélancolie, Vous le savez, Ninon, vous rend bien plus jolie ; Peut-être diriez-vous que vous n'y croyez pas. Si je vous le disais, que j'emporte dans l'âme Jusqu'aux moindres mots de nos propos du soir : Un regard offensé, vous le savez, madame, Change deux yeux d'azur en deux éclairs de flamme, Vous me défendriez peut-être de vous voir. Si je vous le disais, que chaque nuit je veille, Que chaque jour je pleure et je prie à genoux : Ninon, quand vous riez, vous savez qu'une abeille Prendrait pour une fleur votre bouche vermeille ; Si je vous le disais, peut-être en ririez-vous. Mais vous n'en saurez rien. -- Je viens, sans rien en dire, M'asseoir sous votre lampe et causer avec vous ; Votre voix, je l'entends ; votre air je le respire ; Et vous pouvez douter, deviner et sourire, Vos yeux ne verront pas de quoi m'être moins doux. Je récolte en secret des fleurs mystérieuses : Le soir, derrière vous, j'écoute au piano Chanter sur le clavier vos mains harmonieuses, Et, dans les tourbillons de nos valses joyeuses, Je vous sens, dans mes bras, plier comme un roseau. La nuit, quand de si loin le monde nous sépare, Quand je rentre chez moi pour tirer mes verrous, De mille souvenirs en jaloux je m'empare ; Et là, seul devant Dieu, plein d'une joie avare, J'ouvre, comme un trésor, mon coeur plein de vous. J'aime, et je sais répondre avec indifférence ; J'aime, et rien ne le dit ; j'aime, et seul je le sais, Et mon secret m'est cher, et chère ma souffrance : Et j'ai fait le serment d'aimer sans espérance Mais non pas sans bonheur, -- je vous vois, c'est assez. Non, je n'étais pas né pour ce bonheur suprême De mourir dans vos bras et de vivre à vos pieds. Tout me le prouve, hélas ! jusqu'à ma douleur même ; Je vous le disais, pourtant, que je vous aime, Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez. Alfred de Musset
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Mais toi, ne veux-tu pas voyageuse indolente,
Nous marcherons ainsi, ne laissant que notre ombre
Vigny Les Destinées
extrait de La Maison du berger, Lettre à Éva |
Merci à Fernande Germain qui m'a proposé d'inclure ces vers dans mon florilège.
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Quelques liens vers des poèmes présentés dans des
sites amis
Comme souvent le choix des poèmes fait par Josette Perlin dans
son site Le coin du poète
pourrait avoir été le mien. Je vous invite donc à
lire À
Mademoiselle de Coigny, poème écrit par André
Chesnier. Vous y trouverez les circonstances dans lesquelles ce texte
fut écrit.
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©Aranei-Orbis - 1998 - 2000 - Toute reproduction, adaptation, traduction réservées |