2000-06-13
Aranei-Orbis 


Poèmes à Hélène

(Poems to Helen)


Florilège poétique par Le Grimaud


Depuis la Belle Hélène de Troies, combien de poètes ont chanté les louanges de femmes portant ce prénom ?
 

 

Sonnet pour Hélène

Lorsque Ronsard vielli vit pâlir son flambeau
Et connut le néant des gloires passagères,
Il voulut échapper aux amours mensongères,
Et d'une chaste fleur couronner le tombeau. 

Faisant don de sa Muse et de son cœur nouveau
À la jeune vertu d'Hélène de Surgères,
Il confia ce nom à des rimes légères,

Et son dernier amour ne fut pas le moins beau.

Ils se plaisaient ensemble à fuir les Tuileries
Et devisaient d'Amour sur les routes fleuries,
D'Amour, honneur des noms qu'il sauve de périr.
 

Le poète songeait, triste qu'elle fût belle
Alors qu'il était vieux et qu'il allait mourir ;
-- Mais, elle, souriait, se sachant immortelle.

Pierre de Nolhac, Paysage de France et d'Italie, 1894.

 
 
 

Hélène

Elle avance dans moi par des voies sans lumière
Et le jour petit-lait se répand tout à coup
Sa main subtile allume à chaque instant la paille cachée
Ah que j'aime cette femme et que le monde est opaque 
Le vrai des choses grésille sous les apparences
Et puis l'âme est si bien tapie, on dirait même
Que des eaux secrètes en dedans font notre silence
Elle avance dans moi   moi dans elle par bonds
Par blessure par joie par pulsation de l'air
Par battement de racines par danse de feuilles
Mais c'est plein de miroirs au creux de nous
C'est un manège au creux de nous qui ne s'arrête pas 

Elle avance dans moi blessée   moi dans elle sans tête
Moi dans elle sans yeux sans visage sans mains
Nous nous habiterons l'un l'autre sans raison
Nus sans couleurs au terme du voyage

Pierre Morency 
Poèmes de la froide merveille de vivre 
in Au Nord constamment de l'amour, 1973.

 
 

La belle Hélène
ou la danseuse noyée




Au pont de Nantes un bal est assigné.
La belle Hélène voudroit y aller :
«Ma chère mère, m'y lairez-vous aller ?»
- «Non, non ma fille, vous n'irez point danser.»
El' monte en chambre et se met à plorer.
Son frère arrive dans un bateau doré :
«Qu'as-tu, ma soeure, qu'as-tu donc à plorer ?
- Hélas, mon frère, je n'irai point danser !»
- Oh si, ma soeure, moi je t'y conduirai.
Mets robe blanche et ceinture doré.»
El' fit trois toures, le pont s'est défoncé.
La belle Hélène dans la Loire est tombé' :
«Hélas, mon frère, me lairras-tu noyer !»
«Non, non ma soeure, je vais te retirer !»
Dans l'eau se jette, et les voilà noyés.
La mèr' demande : «Qu'a-t-on à tant sonner ?»
- C'est pour Hélène et votre fils aîné.»
Voilà le sore des enfants obstinés !

 

 
 

Il ne faut s'ébahir,
disaient ces bons vieillards...



«Il ne faut s'ébahir, disaient ces bons vieillards
Dessus le mur troyen, voyant passer Hélène,
Si pour telle beauté nous souffrons tant de peine :
Notre mal ne vaut pas un seul de ses regards.

Toutefois il vaut mieux, pour n'irriter point Mars,
La rendre à son époux, afin qu'il la remmène,
Que voir de tant de sang notre campagne pleine,
Notre havre gagné, l'assaut de nos remparts».

Pères, il ne fallait, à qui la force tremble,
Par un mauvais conseil les jeunes retarder ;
Mais, et jeunes et vieux, vous deviez tous ensemble

Et le corps et les biens pour elle hasarder.
Ménélas fut bien sage et Pâris, ce me semble,
L'un de la demander, l'autre de la garder.

Pierre de Ronsard 
in Sonnets pour Hélène, II, LXVII
 


 

Fairy



Pour Hélène se conjurèrent les sèves ornementales dans les ombres vierges et les clartés impassibles dans le silence astral. L'ardeur de l'été fut confiée à des oiseaux muets et l'indolence requise à une barque de deuils sans prix par des anses d'amours morts et de parfums affaisés.

-- Après le moment de l'air des bûcheronnes à la rumeur du torrent sous la ruine des bois, de la sonnerie des bestiaux à l'écho des vals, et des cris des steppes.

--Pour l'enfance d'Hélène frissonnèrent les fourrures et les ombres, - et le sein des pauvres, et les légendes du ciel.

Et ses yeux et sa danse supérieurs encore aux éclats précieux, aux influences froides, au plaisir du décor et de l'heure uniques.
 
 

Arthur Rimbaud 
in Illuminations
 
 

Hélène



Que tu es belle maintenant que tu n'es plus
La poussière de la mort t'as déshabillée même l'âme
Que tu es convoitée depuis que nous avons disparu
Les ondes les ondes remplissent le cœur du désert
La plus pâle des femmes
Il fait beau sur les crêtes d'eau de cette terre
Du paysage mort de faim
Qui borde la ville d'hier les malentendus
Il fait beau sur les cirques inattendus
Transformés en églises
Il fait beau sur le plateau désastreux nu et retourné
Parce que tu es si morte
Répandant des soleils par les traces de tes yeux
Et les ombres des grands arbres enracinés
Dans la Terrible chevelure celle qui me faisait délirer.
 

Pierre-Jean Jouve 
 
Le Coin du poète animé par Josette Perlin nous offre Combien j'ai douce souvenance, le seul poème de Chateaubriand qui soit un peu connu aujourd'hui. Il y montre son attachement à sa terre natale. Le poète en une sorte d'incantation écrit : 

« Oh !  qui me rendra mon Hélène,
« Et ma montagne, et le grand chêne ? »

Encore une fois, qui es-tu pour avoir ainsi tant meubler les pensers et les rêves des poètes ? Comment  faisaient-ils avant la guerre de Troies ? Comment, peux-tu accepter d'être adulée par tant d'homme qui font l'amour avec tant d'autres femmes. Qui es-tu pour eux ? Un peu du paradis perdu ?
 
 


 
 

Ô, Hélène



Ô Hélène, mythique je te peints dans mes poèmes, sais-tu qu'il existe une femme, une vraie ici sur terre ?

Ô Hélène, excuse-moi si tu n'es que la copie, ô combien, embellie de cette autre.

Ô Hélène, lorsque je décris ton regard d'azur, lorsque mon esprit divague, lorsque je voyage dans le reflet du ciel dans tes yeux humides , lorsque j'y scrute, dans les profondeurs de ton âme, l'éclair qui illuminera l'instant, je rêve d'un autre voyage avec cette autre.

Ô Hélène, lorsque j'écris ton nom, dans ma tête, comme sous les voûtes des cathédrales, résonne le cantique, le nom de cette autre s'amplifie de mille échos.

Ô Hélène, lorsque dans ma rêverie mon esprit à l'image des dieux est omniprésent et quand je traverse les chevelures des comètes aux cosmiques caresses, je meurs de sentir sur ma joue de vrais cheveux et bientôt sur mon épaule tout le poids de sa tête comme l'enfant s'abandonnant au creux du sein maternel.

Ô Hélène, déesse de l'Olympe inaccessible, je t'en prie, ne te fâche pas, tu es incomparablement la plus belle ; insensible au temps ta peau est aussi lisse que le marbre antique et ton teint aussi frais que son grain est fin.

Ô Hélène, permets à un pauvre mortel d'être amoureux d'un être de chair qui réchauffe le cœur.

Ô Hélène, pardonne-moi, exauce mes vœux, continue à peupler mes rêves, je t'y ferai la plus belle et je 'íécrirai à la terre entière.

Ô Hélène, sois tranquille, elle et moi, nous mourrons, seule toi tu resteras et tu seras par delà notre mort toujours aussi belle, dans les vers des poètes.
 

© Le Grimaud in Efflorescence.

 
 
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