Nocturne
La blême lune allume en la mare qui luit,
Miroir des gloires d'or, un émoi d'incendie.
Tout dort. Seul, à mi-mort, un rossignol de nuit
Module en mal d'amour sa molle mélodie.
Plus vibrent les vents en le mystère vert
Des ramures. La lune a tu leurs voix nocturnes :
Mais à travers le deuil du feuillage entr'ouvert
Pleuvent les bleus des astres taciturnes.
La vieille volupté de rêver à la mort
A l'entour de la mare endort l'âme des choses.
A peine la forêt parfois fait-elle effort
Sous le frisson furtif de ses métamorphoses.
Chaque feuille s'efface en des brouillards subtils.
Du zénith de l'azur ruisselle la rosée
Dont le cristal s'incruste en perles aux pistils
Des nénuphars flottant sur l'eau fleurdelysée.
Rien n'émane du noir, ni vol, ni vent, ni voix,
Sauf lorsqu'au loin des bois, par soudaines saccades
Un ruisseau turbulent roule sur les gravois :
L'écho s"émeut alors de l'éclat
des cascades.
Stuart Merril
Les Gammes, 1887.