Aranei-Orbis
Le Temps

(The Time)

Florilège poétique par Le Grimaud


 

Balancier
Manifestations du temps qui passe.
Le va-et-vient du balancier aux couleurs vives de nos grand-mères ou du disque de laiton emprisonné derrière sa petite fenêtre. Et, en haut, le mécanisme d'échappement qui compte le temps en métronome.

Dans le silence, les carillons rythment les rêveries comme le timbre d'une cloche au loin rappelle qu'il y a une vie en cet endroit aussi.

A Camille Simonneau, la grand-mère de mon épouse, qui avait peuplé sa maison de carillons en tous genres. Réglés à des heures différentes, ils meublaient le silence de sa solitude. Ils donnaient vie à sa maison et lui permettaient paradoxalement d'oublier le temps qui passe.

© Le Grimaud


La question du temps qui passe préoccupe tous les êtres humains depuis des temps très anciens. Mais le poids de ce temps qui sécoule n'est pas vécu par tous de la même manière. Pour les uns, temps effroyable, oppressant
Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : «souviens-toi !»
Baudelaire, L'Horloge.
pour d'autres, il est nostalgie, regret de la jeunesse,
Oh ! Quelle belle chose que la jeunesse. J'ai vu si longtemps des yeux, une bouche et un nez à la lune.
Béranger
il peut être celui de la résignation,
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées,
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit.
Victor Hugo Les Feuilles d'automne, Soleils couchants
certains combattent leur angoisse en se donnant l'illusion de combattre le temps, c'est le temps de la révolte contre le temps
Temps ! Espace !
Seules divinités qui maitrisez le monde !…
Je me révolte contre vous ! 
Filippo Tommaso Marinetti
Les Locous et Temps et de l'Espace, in Le Monoplan du pape
il est quelques fois sujet à une rêverie de l'accomplissement… de la sagesse,
Des pétales de roses se détachent, tombent avec un petit bruit mou dans la pénombre de la pièce, mesurant tout autrement la chute du temps…
Richard Millet Le Sentiment de la langue.


J'ai une prédilection pour ce dernier.



 
Le temps effroyable, oppressant

 
 

L'Horloge

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : «souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible ;

Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
À chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !

Souviens-toi que le temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,
Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le Repentir même (oh ! la dernière auberge !)
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard !»

Baudelaire in Les Fleurs du mal, 1861

 
Un temps encore plus chaotique et qui résonne comme des armes automatiques. Des mécaniques de béquilles, de bâtons, de sons morts, de notes de plomb, de marteaux et de limes, de cercueils et de vieux os telles sont 
Les Horloges de Verhaeren.

 
Le temps de la nostalgie et du regret

 
 

Oh ! Quelle belle chose que la jeunesse. J'ai vu si longtemps des yeux, une bouche et un nez à la lune.
Hélas ! Je n'y vois plus rien.
 

Béranger

 
 

Longue comme un câble de fibre
Promettait d'être sa vie.
Elle fut la rosée
Qui, déposée le matin,
Au soir
A disparu
Elle fut le brouillard
Qui s'élevant le soir,
Au matin
S'est dissipé.

Kakinomoto no Hitomaro
(Manyôshû II;217)

 


Sur leur chevelure
D'un noir corbeau
Un beau jour
Tombera la gelée blanche,
Sur la rose
De leur visage
Venues on ne sait d'où
Se dessineront des rides.
Les sourires et et les sourcils peints
Qu'elles arborent toujours
Se faneront
Comme se flétrissent les fleurs
En ce monde
Il n'en va pas autrement.

Yamanoue no Okura (Manyôshû V;794)


 
 
 

Pourquoi cette fleur ? Est-ce ma fête ?
Non, ce bouquet vient m'annoncer,
Qu'un demi siècle, sur ma tête,
Achève aujourd'hui de passer

Ô, combien nos jours sont rapides,
Ô, combien j'ai perdu d'instants,
Ô, combien je me sens de rides.
Hélas ! Hélas ! J'ai cinquante ans

Béranger 

 
Le temps de la résignation

 

Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées.
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées,
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit.
Victor Hugo Les Feuilles d'automne, Soleils couchants

 
La révolte contre le temps

 
O Temps, je vais foncer sur toi,
et te casser les ailes,
et te couper le voix asthmatique d'horloge !
Tu as beau appeler à la rescouusse
l'Espace, vieux vautour podagreux

… 

Temps ! Espace !
Seules divinités qui maitrisez le monde !…
Je me révolte contre vous !

Filippo Tommaso Marinetti
Les Locous et Temps et de l'Espace, in Le Monoplan du pape

 
Le temps de la rêverie…de la sagesse

 
Des pétales de roses se détachent, tombent avec un petit bruit mou dans la pénombre de la pièce, mesurant tout autrement la chute du temps, comme les battements de paupières d'une déesse obscure. 
Richard Millet
Le Sentiment de la langue

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Mise à jour le : 2002-10-27